Note sibérienne

Le 4×4 poussiéreux entreprend de franchir dans un ultime rugissement la dernière montée qui nous dissimule le lac Baïkal. Inquiets, quelques spermophiles prennent la fuite face au monstre. La vue qui s’offre alors est à couper le souffle: devant nous s’étendent des eaux cristallines baignant les collines sur lesquelles ne pousse qu’une herbe folle déjà jaunie par l’été avancé. Nous campons dans ce cadre splendide. Au matin suivant, le soleil donne aux eaux des teintes mordorées, et le ciel semble empli de poussière d’or.

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Cette vision assurément poétique ferait presque oublier la cause première de ces flamboyants matins. Durant tout l’été d’importants incendies de forêt dans la région du Baïkal ont alimenté l’air en fumées qui donnent un aspect brumeux au lac. On pourrait, face à ce memento mori, à l’instar de Baudelaire évoquer la beauté inhérente à la mort et à la destruction; ou tel un Hugo disserter en deux-cents vers épiques sur la fragilité du colosse qu’est la Nature. N’ayant pas de tels talents, je me contenterai d’ajouter que cette situation perdure depuis quelques années déjà, et que les effet de la sécheresse ont déjà fait reculer certains lacs sibériens de manière impressionnante. Une situation qui ne risque guère de s’arranger avec les changements climatiques en cours.

J’en connais qui vouent une admiration un peu malsaine à Poutine et à son esprit supposément pragmatique. Il ne semble pourtant pas que son bras héroïque et vengeur soit d’une quelconque valeur dans ce contexte brûlant.

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Dernière note: en guise de clin d’œil à mon collègue Joris Bertrand, sachez que j’ai pris la première photo en réduisant l’ouverture à f/10, pour un temps de pose d’un centième de seconde avec un objectif Tamron 18-250mm réglé à 18mm. Le traitement du fichier sous Camera Raw dans Photoshop CC 2014 a consisté en une légère augmentation du contraste et de la vibrance.

Bons baisers de Russie.