Songe d’une nuit d’été

C’est un soir d’été. J’arpente les quais longeant la rive Nord du Rhin, contemplant l’architecture typiquement germanique, respirant l’odeur mêlée de barbecue et de cannabis. Les roses trémières sont en fleurs et l’eau clapote gentiment sur les galets. Mon esprit n’est fixé sur rien et la lumière mouvante du soir tombant imprime à mon âme une paisible mélancolie.
Une pensée fugace me prend, qui prétend me rappeler la vanité des choses, est-ce le spectre de Saint Augustin? Je l’écarte, agacé, et m’assieds sur un banc pour délasser mes pieds de ma marche pourtant peu exigeante. Le vent bruisse doucement dans les platanes qui me surplombent. J’admire la petite fontaine représentant un basilic aux ailes déployées, symbole et gardien traditionnel de la ville. Je me prends à imaginer l’antique camp romain qui devait trôner au sommet de la colline. Une cathédrale le remplace désormais.
Basel_3 Le soleil est près de s’écrouler dans le Rhin, et les traînées rougeâtres de son agonie journalière envahissent le ciel. Un moteur vrombit. Sur une péniche, des gens dansent au rythme lancinant de la musique techno. Je poursuis ma promenade, et vois le lit du fleuve s’élargir encore et encore, des montagnes surgissent, c’est le Léman qui scintille, et l’eau doucement rosée semble répondre au ciel. Encore quelques pas, c’est le Baïkal, l’air s’emplit d’une odeur de fumée et semble à son tour faire écho au feu du ciel et de l’eau. Tout est vaste, immense et beau. Un enfant joue sur les galets. Il semble heureux. Derrière moi dans la steppe galopent les chevaux.
Russie_72 Le ciel s’éteint, je prends une photo du pont qui surplombe le fleuve. Déjà je sens que cette nuit est étrange. Et mon esprit, alarmé, cherche une cohérence. Je dérape, repousse Morphée, retombe en réalité. Mes pensées se recroquevillent, le froid de la nuit me ramène à ce petit deuil annuel. L’été n’est plus, et tel était son éloge funèbre.

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