Non Armstrong, je ne suis pas noir. Première partie.

Avant d’être à Bâle en post-doc, j’ai passé environ quatre années de ma vie à étudier un oiseau endémique de La Réunion, le Zoizo blanc (version créole), ou oiseau-lunettes gris (version métropole). Je m’intéressais notamment aux différentes couleurs de plumage arborées par ce brave petit passereau. Mais en quoi étudier ce polymorphisme peut-il bien présenter de l’intérêt?
Face à cette éternelle question utilitariste (à quoi ça seeeeert?) je me propose cher lecteur de t’exposer les ressorts cachés de la mécanique qui produit les panthères noires, les roux, les tigres albinos et les chouettes couleur rouille… Il s’agit d’une longue histoire que je découperai en plusieurs posts.

flamandsCe post ne concerne pas les flamants roses puisque leur couleur provient des carotènes qu’ils ingèrent en farfouillant la vase pour dévorer des crevettes et des algues. Dégueulasse.

Je me suis principalement intéressé aux pigments que l’on nomme mélanines (il en existe d’autres, comme les caroténoïdes qui donnent sa couleur rose au flamant… rose; c’est bien vous suivez). La cellule qui produit ces pigment se nomme mélanocyte. Située entre le derme et l’épiderme, elle agit comme un dealer refourguant sa dope à une petite troupe de quelques dizaines de cellules que l’on appelle kératinocytes, des cellules productrices de kératine qui formeront poils, plumes, peau etc. La dope en question, ce sont les mélanosomes, des compartiments intracellulaires bourrés de pigment. On peut distinguer deux types principaux de pigments: l’eumélanine et la phéomélanine, qui dérivent tous deux du même précurseur : la dopaquinone. D’où la blague sur la dope. Avouez, vous êtes hilares derrière votre écran. Bref. La dopaquinone dérive elle-même d’un acide aminé, la tyrosine.

En quoi ces deux pigments sont-ils différents? L’eumélanine est un pigment sombre, tandis que la phéomélanine est un pigment jaune orangé. Les mélanocytes en produisent des quantités variable, et ce sont les proportions relatives de ces pigments qui déterminent la couleur d’un poil par exemple. Si beaucoup de phéomélanine est générée par rapport à l’eumélanine, on obtiendra un cheveu blond, voire roux. A l’inverse, les cheveux ou les peaux sombres sont riches en eumélanine. Il est à noter que l’eumélanine protège davantage des ultraviolets, ce qui explique d’ailleurs en partie que sous les tropiques la peau soit plus foncée. Chez les oiseaux, les mélanines rendent les plumes plus résistantes à l’abrasion, aux parasites ainsi qu’aux bactéries dégradant la kératine.

On commence déjà à discerner un intérêt dans l’étude des variations de couleur de peau/poil/plume (que l’on regroupe sous la dénomination de phanères): elles peuvent être associées à des adaptations environnementales. De plus, il est relativement aisé de caractériser les variations de coloration au sein d’une même espèce du fait de leur visibilité. Ce qui rend les polymorphismes de couleur si intéressants, c’est qu’ils permettent au biologiste de faire le lien entre un mécanisme sélectif (par exemple l’intensité des UV selon la latitude ou l’altitude) et un mécanisme physiologique. Ce type d’étude est capable de mieux nous faire comprendre les pressions qui agissent sur la physiologie et comment les organismes sont capables d’y répondre. On peut trouver ça abscons, mais l’objectif final est de réussir à mettre en évidence des lois, des patrons qui se répètent: trouve-t-on toujours les mêmes gènes, les mêmes “outils”, derrière l’adaptation aux changements environnementaux? Ou les organismes disposent-ils d’un éventail illimité de possibilités pour y faire face? Tentative de réponse aux prochains posts!

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